The Bear and the Maiden Fair

Quelle drôle de journée qui s'annonçait. Le soleil ne semblait pas avoir très envie de montrer le bout de son nez en cette chaude matinée d'été. Un vent frais venait faire onduler la chevelure blonde du chevalier qui regardait la baie de la Néra depuis la fenêtre de ses appartements. Il chantonnait la chanson des terres de l'Ouest, son royaume d'origine.

Cela avait le don de le mettre de bonne humeur. Il enfila ensuite alors son casque et rejoignit son poste, relevant alors un de ses chevaliers. Il prit sa place et c'est alors que le roi entrouvrit la porte, lui semant de ne pas le déranger, à moins d'un grand danger.



Le roi referma la porte et Aegon reprit sa position de garde, se tenant bien droit. Seuls ses yeux restaient visible à cause du casque, et son regard balayait la pièce tandis qu'il semblait n'être plus qu'une statue. Il entendit bientôt des pas se rapprocher, et il était prêt à barrer le chemin de cette personne, qui qu'elle puisse être.

Il était déjà bien tard dans la matinée quand la jeune femme se réveilla, le corps parcouru de crampes à des endroits où elle ne pensait même pas avoir avoir de muscles. La nuit avait été... intéressante hier, pensa-t-elle. Elle avait apporté son lot de surprises et de rebondissements, même si, comme tous les autres, il avait fini par s'incliner. Ne trouverait-elle jamais adversaire à sa taille ?

  Coryalis sortit de sa rêverie puis pris le temps de regarder plus en détails la source de ses démangeaisons. De méchantes balafres avaient élus domicile sur ses bras fins et musclés, d'ordinaire impeccablement blancs et tendres. Il faudrait qu'elle aille au plus vite voir le guérisseur du donjon pour ne pas que cela se sache. En espérant que lui tiendrait sa langue au roi... Il n'était jamais trop tard pour l'éliminer ceci dit, mais cela prendrait du temps, et le brave homme était quelqu'un de somme toute fort honnête et consciencieux dans son ouvrage. Contrairement à ses homologues masculins à la cours, Coryalis répugnait à s'en prendre à quelqu'un sans en avoir une bonne raison. Ce qui arrivait malheureusement bien trop souvent à son goût...
  Elle se leva à contrecœur puis enfila la tenue de cuir qu'elle affectionnait tant. Le contact du cuir était pour elle un véritable délice dont elle ne se lassait jamais, bien loin de la niaise douceur de la soie ou de la dentelle inhérentes aux robes de courtisanes. Enfilant lentement son pantalon, elle savoura la texture épaisse et lisse du vêtement, lui rappelant ces torses virils qu'elle aimait étreindre le temps d'une nuit fugace. Dieu qu'elle aurait aimé être un homme, pour pouvoir guerroyer, comploter, et faire quelque chose d'utile à sa nation. Cela lui semblait bien mieux (et bien plus digne d'elle) que de ne servir que de simple monnaie d'échange auprès de seigneurs qui ne valaient pour la plupart pas mieux que le dernier des gueux...
  A contrecœur, elle enfila une robe puis se dirigea vers la porte de sa chambre. Elle sortit prestement de sa chambre puis se dirigea d'un bon pas vers les quartiers du guérisseur, passant par les quartiers du roi pour éviter autant que possible le contact des autres résidents.

  Perdue dans ses pensées, elle ne s’aperçut que trop tard qu'un garde se trouvait là où il n'aurait pas dû être et se le prit de plein fouet. Prise de court, la jeune femme tomba à la renverse, la manche de sa robe s'accrochant puis s'arrachant sur la lame du jeune homme.

  Qu'est-ce que cet abruti foutait là au beau milieu de la journée, alors qu'une véritable armée patrouillait autour du château ?! Furieuse, elle se redressa d'un trait et lui jeta un regard noir...

C'est avec étonnement que la nièce du roi rencontra sa cuirasse, et trébucha pour finir à terre. Il avait légèrement décalée son épée, pour éviter de la blesser, mais n'avait pu empêcher son vêtement de se déchirer face à une lame en acier valyrien. Son regard glacé se posa sur la jeune fille, qui était bien grande pour une femelle, et la toisa. Il avait un grand respect pour la famille royale, mais ne ferait pas d'exception. Il lui proposa sa main pour se lever, sans se précipiter, il avait sa petite fierté bien à lui. Elle ne sembla pas avoir besoin de son aide, et ne s'en offusqua pas, il avait autre chose à faire que d'être diplomate après tout.

Il regarda sa lame, qui répondait au doux nom de Rugissante, où se trouvait un peu de dentelle. Il prit entre deux doigts le morceau de tissu, amusé, et le tendit à la jeune femme.


Il regarda un instant la tenue de cuir qui se laissait découvrir à présent, au niveau de son bras. Amusant. Une femme qui portait des protections. Il avait entendu dire qu'elle aimait l'art de la guerre, mais il trouvait cela toujours aussi ridicule. Elle n'était pas plus forte un oisillon, si maigrichonne. Ces femmes de nos jours, elles ne savaient plus quoi inventer, elles auraient pourtant bien mieux à donner le bain aux nourrissons plutôt qu'à se pavaner et à vouloir devenir homme. Il n'aimait pas trop les femmes à vrai dire. Non pas qu'il aimait les hommes, seulement elles veulent toujours ce qu'elles n'ont pas, et pleurs pour un oui ou un non. Elles se pavanent et de leur langue fourchue manigancent bien de sombres desseins. Ils les trouvaient viles et perfides, et lorsqu'elles voulaient tuer quelqu'un, c'était souvent le poison. Ah le poison... Cette arme de femmes... Ou d'Eunuques. Il préférait largement se battre au fil de l'épée, et se mesurer par sa seule force à son adversaire, et non par un coup du hasard...

Il regarda la jeune femme avec dédain, et lui indiqua de faire demi tour, comme s'il ne s'agissait là ni plus ni moins d'une enfant.

Sa voix puait la condescendance et son regard était méprisant, elle le savait. Son sourire était bien loin d'être suffisant pour le cacher. N'importe qui se serait confondu en excuses d'avoir abîmé la robe de sa souveraine, quand bien même elle s'en fichait. Lui semblait s'en amuser au contraire, et ne se gênait pas pour le montrer. D'ordinaire, la jeune femme aurait trouvé cela attirant, excitant même. Mais étant donné son humeur, elle n'était certainement pas prête à laisser passer son insolence.

  Violemment, Coryalis repoussa le bout de tissu insignifiant qu'il lui tendait et sur une impulsion, elle l'envoya valser de toutes ses forces dans le mur le plus proche. Elle était une targaryenne, et PERSONNE ne lui dicterais son comportement, ni où elle devrait passer !


  Sans prendre le temps d'écouter la réplique misérable qu'il s'apprêtait sûrement à lui bredouiller, elle repartit sur son chemin, ses pas rageurs tambourinaient sur les dalles de pierres du couloir...

  Elle se dit, un peu tard, qu'elle aurait dû lui demander son nom, à ce soldat si sûr de sa personne...

Quel phénomène! Voilà qu'elle piquait sa crise la gamine! C'est pas parce qu'elle portait le même nom que le roi qu'elle pourrait passer. Il avait été surpris par ce petit brin de femme, qui avait eu la force de le pousser, bien qu'il ne se laissa pas faire longtemps. Elle passa alors qu'il soupirait, et lui emboita le pas presque aussitôt, la rattrapant et l'attrapant par le col.

Il la souleva alors tel un sac de patate, la mis sur son épaule et fit demi tour en la portant, se fichant bien qu'elle puisse se débattre puisqu'il la tenait fermement par la taille. Il la raccompagna ainsi à l'entrée du couloir. Il portait l'armure du commandant de la garde royale qui était composée de sept chevaliers. Tous étaient connus de la cour et par delà les contrées et il lui était difficile de croire qu'elle ne le connaissait pas. Et puis il faisait partie de la maison Lannister. Mais après tout, il avait encore son casque, c'était peut être juste cela qui lui faisait défaut, à cette cervelle de moineau.


Ce n'était pas une menace, mais il serait intransigeant quant à ce passage ci. Il ne sera pas emprunté par cette petite peste de princesse, et user de sa force contre une femme ne lui était pas plus dérangeant que cela, maintenant, si elle acceptait de partir, il la redéposerait au sol...

"QUOI ?! Il osait me traiter comme une vulgaire gamine ?!"

  Un flash soudain lui traversa l'esprit. Elle revit sa mère en train d'essayer de la pousser dans les flammes, un regard de dément déformant son visage. La terreur l'avait accablé ce jour-là, mais plus maintenant. Plus jamais personne ne la toucherait sans son autorisation. Plus jamais !

  D'instinct elle porta sa main à sa botte, et tira une des dagues truquées que lui avait offerte son père avant sa mort. L'idée lui vint subitement de lui planter tout simplement la lame dans la gorge, seule partie de son armure non couverte par le métal épais. Elle la repoussa aussitôt, prise de dégoût à l'idée d'ôter la vie à un homme qui ne faisait que son devoir. Malgré tout, sa fureur n'était pas retombée, et il était hors de question qu'il la traîne comme une malpropre... appuyant sur le bijoux incrusté dans la garde de la dague, elle fit couler un peu d'huile par le long de la lame, qui s'enflamma immédiatement. Juste une goutte, assez pour qu'il la repose à terre et se rende compte d'à qui il avait à faire...

Alors qu'il la portait toujours, il la sentit gigoter dans tous les sens et entendit alors le bruit du métal. Intrigué par ce que faisait à nouveau cette petite peste, il leva la tête vers elle au moment où il sentit quelque chose lui bruler le cou. Il la jeta par terre sans ménagement et retira son casque en hâte, pour essuyer le liquide verdâtre.

Il attrapa le bout de dentelle qu'il lui avait arraché et le passa dans son cou, en profitant pour s'essuyer la main dessus. Il était entré dans une colère noire comme rarement il en avait eu une, et il la plaqua violemment contre le mur, sa main autour de sa gorge.
Il se retint d'aller plus loin, se rappelant qu'elle n'était qu'une fille, et la repoussa plus loin, sans aucun ménagement.

La rage de Coryalis fondit comme neige au soleil quand elle le vit enfin perdre sa contenance. Maintenant, elle avait capté son attention. Quelque chose lui disait qu'il y avait là matière à s'amuser, avec sa mâle fierté... Encore fallait-il qu'elle réussisse à le provoquer suffisamment pour qu'il craque.

  Sublime dans sa provocation, Coryalis fit un sourire carnassier au garde qui venait de la repousser. Il lui disait sûrement de se tenir tranquille... Rien qui ne mérita son attention, de toute façon.

  L'espace d'une seconde, la jeune châtelaine prit la mesure de la salle. Le couloir était suffisamment vaste pour lui permettre de passer sans même toucher le garde, mais cela ne lui plaisait pas. Il fallait qu'il se sente provoqué, attaqué dans son orgueil. Ce n'était qu'à cette condition qu'elle obtiendrait le meilleur de lui, cette rage qui le pousserait à oublier toute retenue et à dévoiler tous les talents qu'il gardait bien au chaud sous son armure. Elle remarqua également l'insigne de capitaine, sur son armure.
  Un très bon parti pour échanger quelques passes d'armes...

  Le couloir était désert. C'était maintenant ou jamais...

  La jeune femme courut de manière déterminé vers le chevalier. Elle avala en peu de temps la distance qui la séparait de lui puis se servit de sa vitesse nouvellement acquise pour se fendre en une splendide glissade. Elle eut une pensée amusée en tentant d'imaginer ce que lui ressentait en ce moment. Agacement, colère, incompréhension ? Quel diable habitait donc cette femme si prompte à piétiner les nerfs de son entourage ? Il n'était pas au bout de ses peines...
  De toutes ses forces, Coryalis projeta ses deux jambes sur la jambe droite du chevalier, de manière à le faire tomber à terre... Entraîné par le poids de son armure et la vitesse acquise par la jeune femme, le capitaine passa par-dessus sa tête dans un effroyable vacarme de métal. Elle s'était déjà relevée quand il toucha terre et se mit à courir comme jamais vers les quartiers des guérisseurs, bien décidée à mettre un maximum de distance entre elle et son cerbère. Se retournant dans sa course, elle prit quand même le temps de lancer une petite pique bien sentie comme elle en avait le secret.

La petite garce l'avait d'abord surpris en courant droit sur lui, et il alla pour l'attraper lorsqu'elle se baissa pour tacler l'une de ses jambes. Il ne comprit que trop tard son attention, et perdit l'équilibre. Il se rattrapa de justesse contre le mur, évitant ainsi de poser le genoux à terre face à une femme, et se redressa alors qu'elle partait en courant, lui lançant sa petite tirade. Il la regarda s'enfuir et disparaître au bout du couloir, alors que la porte du roi s'ouvrait. Il se remit en position.


Le chevalier s'inclina respectueusement. Il avait failli à une mission aussi simple, mais il était évident qu'il se vengerait. Un Lannister paye toujours ses dettes comme on disait.


Il reçu alors un regard noir de son souverain. Fils de la maison la plus riche de tout Westeros, il ne craignait rien, mais il souhaitait faire honneur à sa maison, comme tout bon garçon. Le roi aux longs cheveux d'un blanc nacré referma la porte, et Aegon soupira en regardant l'endroit où avait fuit la gamine.


Quelques minutes plus tard, un garde vint le relever. Après tout, il était commandant, et il comptait bien commander. Il ne servirait plus de garde, mais il espérait bien mettre la main sur la petite garce de Targaryen. Enfin petite, pas si petite que ça, puisqu'elle devait faire environ sa taille. Cette gamine l'intriguait de plus en plus, mais il était las des jeux. Il alla retirer son armure, qui le gênait trop dans ce château plein d'escaliers, et revêtit alors une tunique faite de cuir aux couleurs beiges et rouge, rappelant ses origines. Il passa la main dans ses cheveux, et alla vers les quartiers du maestre (nom des guérisseurs dans GoT et ce sont de grands érudits, souvent vieux. Y'en a un par château en général). Il avait gardé son épée à sa ceinture, au chaud dans son fourreau, et cherchait du regard la petite ingrate.

Le guérisseur parut surpris de voir ainsi accourir la jeune femme, à bout de souffle, un très large sourire aux lèvres. Refermant la porte de ses quartiers derrière elle, Coryalis prit quelques secondes pour reprendre son souffle, puis salua comme il se devait le mestre. Très professionnel, il ne perdit pas de temps et s'enquit immédiatement de l'objet de sa visite.

  Retroussant ses manches sans dire un mot, elle tendit ses bras écorchés à son interlocuteur, qui put amplement se faire une idée des dégâts.

  N'estimant pas nécessaire d'en demander plus, il se mit au travail, cherchant divers onguents, cataplasmes et autre substances médicinales. Elle l'en remercia, car la nature de ses blessures ne laissait guère de doute quant à leur provenance. Un accord tacite s'était instauré entre eux, et elle avait un profond respect pour cet homme qui semblait l'avoir tout de suite comprise. A bien des égards, il était celui qui la connaissait le mieux, elle et tous ses secrets. Il était d'ailleurs le seul à ne l'avoir jamais prise de haut, contrairement à la quasi-intégralité de la gente masculine résidant au donjon rouge. Coryalis n'irait pas jusqu'à dire que c'était un ami, mais elle savait qu'il était fiable et qu'elle pourrait compter sur lui si un jour le besoin s'en faisait sentir.

  Quand il eut fini son office, elle le remercia d'un hochement de tête silencieux et se dirigea vers la sortie, quand il l'appela.



Il marqua une courte pause, comme pour donner du poids à son propos, puis reprit avec un sourire complice



  Elle lui rendit son sourire et ferma discrètement la porte derrière elle.

  Coryalis était déçue. Elle s'attendait déjà à voir le chevalier sur le pas de la porte, l'air furieux et rageur, épée au poing. S'était-il laissé vaincre si facilement ? Non, c'était impossible, cela ne correspondait pas à ce qu'elle avait vu à travers la visière de son casque. Il avait sûrement dû attendre la relève pour venir la trouver et "laver son honneur". Une droiture et un sens du devoir qui lui plaisait déjà... Elle aimait les gens de principe. C'était les plus difficile à manipuler, et ils étaient en général bien plus aptes à lui offrir de véritables difficultés.
  Avisant un chandelier suspendu au haut plafond du couloir, non loin d'une gigantesque statue, une idée lui vint en tête. Bien entendu, la mise en scène était toujours une pièce clé de ces joutes spontanée, et il était hors de question que la jeune femme cède à la facilité. Elle l'attendrait - car il viendrait, son instinct le lui criait - et elle le vaincrait, comme elle le fit avec tant d'autres...

  Agile comme un félin, elle escalada la statue sans se presser, puise s'élança tel un oiseau sur le massif chandelier qui dominait le couloir de toute sa splendeur. Manquant de peu de rater sa prise, elle se trouva une position plus confortable et se jura d'être plus prudente à l'avenir... Elle ne devait plus se permettre ce genre de maladresse de débutante à présent. Elle sortit ses deux dagues, fidèles et éternelles jumelles d'armes, puis commença à verser de l'huile dans un large rayon autour du chandelier, préparant la future arène de sa prochaine aventure...

Alors qu'il entrait dans le couloir menant aux appartements du mestre, une main attrapa la sienne, et il se retourna vivement, la main sur la garde de son épée. Il soupira en voyant que ce n'était que le fils cadet du roi, qui n'avait que sept ans. L'enfant et lui s'entendaient assez bien, et il s'agenouilla pour être à sa hauteur.


Le garçon à la tignasse presque blanche secoua la tête en rigolant, et lui avoua vouloir jouer avec lui à se battre, et à s'entraîner, son père lui ayant dit que s'il voulait être bon, il fallait se frotter aux meilleurs. Aegon rigola, oubliant un instant la petite chieuse qui l'avait amené à parcourir ces lieux. Il hocha la tête, souriant de nouveau.

Sa conversation avec le prince avait très certainement été entendue par la jeune femme, étant donné qu'ils étaient à l'entrée du couloir, et il se releva pour aller aux appartements du mestre. Cependant, avant d'en atteindre la porte, il remarqua que de l'huile tombait du plafond. Il releva la tête, et vit alors, accrochée au lustre, la jeune femme qui avait du les attendre dans cette inconfortable endroit. Il soupira et recula, pour être hors de portée du liquide, gardant le jeune garçon derrière lui pour l'en protéger.

Il lui sourit doucement, et l'enfant regardait Coryalis, avec un air un peu idiot sur le visage.

Ça, elle ne l'avait jamais vu arriver. Elle s'était déjà pris des coups et des blessures, elle avait déjà eu peur, mais ça... se faire vaincre sans même sortir son épée du fourreau... Elle sentit ses joues roussir à vue d'oeil.

Elle était furieuse. Furieuse de s'être faite avoir par quelque chose d'aussi innocent qu'un ENFANT ! Il l'avait tournée en ridicule devant sa famille et avait réduit à néant sa mise en scène grandiose ! Pour qui se prenait-il, à se permettre de tels commentaires devant sa personne ? Il lui avait forcé la main, et ce n'était pas le plus grave...


Prenant impulsion de manière spectaculaire sur le lustre, elle effectua une théâtrale vrille et se réceptionna avec grâce sur le large tapis du couloir. Elle se redressa, tournant délibérément le dos au chevalier si impudent. D'un tour de passe-passe (plus pour le spectacle que pour quelque raison sensée que ce soit), elle rengaina ses deux dagues dans ses bottes, tourna sa tête, fit un large sourire au dénommé Aegon puis s'agenouilla devant le prince pour l'embrasser chastement sur la joue.


Des étoiles dans les yeux, le garçon fit non de la tête.


Se redressant, la jeune femme prit la main du jeune homme et s'en alla avec lui vers les sous-sols du donjon, où se trouvaient la salle des gardes et la salle d'armes. Elle espérait que le jeune homme avait compris la pique, une revanche douce-amère pour la Targaryenne, encore honteuse d'avoir cédé ainsi à ses pulsions compétitives...

Ceci était cependant loin d'être terminé...

Ah ces femmes. Toujours le mot pour blesser. Il sourit cependant largement à sa tirade, et passa la main dans les cheveux du jeune prince.

Il les laissa s'en aller, se disant qu'il aurait d'autres occasions de jouer avec le petit, et puis, il avait encore du travail sur la planche. Il alla donc voir le mestre, puisqu'il était à coté, et lui demanda des livres très précis sur la disposition du donjon rouge, souhaitant connaître le moindre passage secret. Il prit le livre et alla alors dans la salle du trône où étaient disposés de chaque coté des crânes de dragons. Les plus grands siégeaient près du trône, et ils allaient en décroissant jusqu'à n'être pas plus gros que la tête d'un chien. Il passa dans une petite pièce à l'arrière, qui était souvent attribuée pour les réunion du conseil restreint. Cependant, ils n'en auraient pas avant la fin d'après midi, et il comptait bien étudier ici tranquillement. Il lisait assez lentement, n'étant vraiment pas doué pour la lecture, et n'aimant d'ailleurs pas cela. Il regardait les plans très imprécis, et cherchaient à les comprendre. Décidément, être commandant ne serait pas la tâche la plus facile qu'il aurait eu.

Après cette mince affaire, il alla aux geôles, voir le trop grand nombre de prisonniers qu'ils avaient. Le Mur avait besoin d'homme, et il se devait donc d'en fournir. Tous les violeurs pour commencer, et cela, il y en avait un trop grand nombre. Il passa devant chacun d'eux, leur posant alors toujours la même question, suivi de deux hommes de main.


La plupart choisissaient la lame, et se faisait couper leurs parties génitales sur le champ, les cris emplissant ces couloirs sombres et humides. Très peu choisissaient le Mur, et pour cause... Ça aurait été le pire des cauchemars de n'importe qui. Il soupira ensuite, se disant que les violeurs mériteraient de se faire castrer ET d'aller au Mur, mais après tout ce n'était pas lui qui fixait les lois. Il revint ensuite dans le château, et monta de longs escaliers pour rejoindre la volière. Il écrivit maladroitement quelques mots, indiquant que seuls six hommes seraient donnés à la Garde de Nuit, et qu'ils partaient dés ce soir. Il accrocha le message à la patte d'un corbeau, puis laissa celui ci s'envoler pour apporter ce message à son destinataire. Il resta alors à la volière d'où il pouvait regarder tout Port-Réal à ses pieds, et une partie de la baie de la Néra. Le paysage était magnifique malgré une chaleur étouffante.

Le petit se défendait bien, malgré son jeune âge. Il se montrait flexible, et si la technique était loin d'être parfaite, il parvenait néanmoins à adapter sa défense aux incursions fugaces de sa partenaire de jeu. Il avait très vite compris qu'avec elle les règles étaient différentes, et il ne s'était jamais plains de la voir passer de la lame à la masse... ou tirer sur le tapis sous ses pieds pour le déstabiliser. Son père le roi la tuerait s'il savait ce qu'elle montrait à son fils, bien loin des codes d'honneur de la chevalerie et du combat....
Contrairement à tous ses autres tuteurs, la Targaryenne mettait un point d'honneur à rendre aussi "réalistes" que possible ses joutes avec le jeune prince. Jamais elle ne s'arrêtait pour le laisser reprendre son souffle, et jamais elle ne retenait ses coups (le pire moyen, à son sens, de le laisser sombrer dans la paresse et l'auto-suffisance).


Elle était fière de lui. Mais elle ne pouvait s'empêcher de l'envier cependant. Que n'aurait-elle pas donné pour avoir les égards qu'on lui donnait, et pouvoir elle aussi prétendre à un destin glorieux au service de son peuple... En cela, elle détestait son père, autant qu'elle l'adorait : il l'avait traitée comme un héritier, lui faisant miroiter des choses qui, en toute objectivité, ne lui seraient probablement jamais accessible.

N'avait-elle dont pas fait preuve maintes et maintes fois de sa volonté et de son indépendance ? Nul n'avait jamais réussi à lui imposer sa volonté, et elle valait bien dix hommes au combat ! Elle avait appris à triompher de sa peur et s'était toujours montrée juste, quitte à se salir les mains pour que justice soit faîte. Elle n'avait jamais voulu assassiner les partis que lui avait présenté son père. La jeune femme, à l'image de son géniteur, avait toujours chercher à apaiser la situation de manière pacifique quand cela était possible. Mais tous, sans exceptions, étaient resté sourds à ses demandes. Avides de terres et de richesses, ces ventripotents seigneurs sacrifiaient les peuples de leurs patries sans se soucier de leurs conditions, souvent bien au-delà de ce qu'elle imaginait humainement possible.
Tout l'amour qu'elle portait à son père n'avait jamais pu étouffer cette rage silencieuse qui bouillait en elle. L'idée de partager le reste de sa vie, ou plutôt de l'abandonner, à un despote cruel et - pour la plupart impotents - était tout simplement au-delà de ses capacités. Et à choisir entre se donner la mort et rendre service au monde, le choix s'était montré très rapide...

Son père lui avait toujours dit que seul un homme de principe pourrait jamais être un bon souverain. Mais n'était-elle pas une femme de bien ?


Les mots du chevalier résonnaient sans cesse dans sa tête, et Coryalis avait bien du mal à se concentrer sur sa joute avec le jeune prince. A tel point que celui-ci parvint même à la désarmer, poussant sur elle une des lourdes étagère à épée de la salle d'arme. Elle parvint à l'éviter de justesse, mais le meuble percuta son bras de plein fouet, faisant voler son arme à quelques pas de la jeune femme. L'esprit ailleurs, elle félicita distraitement le jeune prince et décida de s'arrêter là pour aujourd'hui. Porté par les ailes de la victoire, le jeune Laën détala au plus vite conter son exploit à son père, laissant la jeune femme à ses propres doutes.

La châtelaine fit signe à ses serviteurs de nettoyer le désordre de ses passes d'armes puis se retira dans sa chambre, se préparant mentalement à l'épreuve qui l'attendrais le soir...

Le soir venu, un fantôme se glissa jusqu'aux quartiers du capitaine. Toute de cuir vêtue, le visage caché par une cape de nuit, une silhouette féminine vint se camper devant sa porte. Aux yeux du monde, elle n'existait pas, et n'était qu'une ombre parmi les ombres. Nul ne l'avait vue, et nul ne l'avait entendue. Personne ne chanterait sa geste auprès des gens du peuple. Avec une habilité et une grâce féline, presque sauvage, elle s'était jouée des patrouilles et des insomniaques. Elle parut hésiter, fit mine de se retirer un instant, puis s'arrêta, regardant fixement la porte depuis la relative sécurité des ténèbres de sa capuche...